Pour m'aider

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Témoignages

De Claudine

A la première échographie, vers trois mois de grossesse, le gynécologue nous a annoncé que j’attendais des jumeaux. Ce fut une sacrée surprise. Directement, nous avons pensé aux changements que cette annonce allait engendrer : changer de véhicule, d’habitation, arrêt de mon travail, …

Ayant eu deux grossesses auparavant, qui s’étaient bien déroulées, celle-ci a été difficile : des douleurs dans le bas du dos sont apparues très vite, me déplacer était presque impossible. Tout au long de cette grossesse, je sentais que celle-ci ne se passait pas comme les deux premières, j’avais le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond.

A 28 semaines de grossesse, j’étais seule chez moi, les douleurs ont été encore plus fortes. J’ai appellé mon mari qui m’a conduite à l’hôpital. Le médecin m’a dit « Que faites-vous ici ? C’est trop tôt, les poumons ne sont pas développés, nous allons les retarder ». A ce moment-là, j’ai perdu les eaux. Je me demandais ce qu’il m’arrivait, mes deux autres enfants étaient nés par césarienne. Suite à cela, le médecin nous a dit « c’est trop tard, nous allons aller les chercher, nous allons les sortir et nous verrons ». Le papa et moi-même étions en panique totale. Je ressentais des contractions, je n’avais jamais vécu cette douleur auparavant. En dix minutes, par césarienne, les jumeaux étaient là. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet accouchement s’est fait dans le stress, la panique et ce n’était que le début…

Les jumeaux ont été, tout de suite, transportés au service des soins intensifs de néonatalogie. Je n’ai pas pu les voir pendant trois jours. Pendant ce temps, le papa les accompagnait en néonatologie. Il nous rapporte : « là-bas, c’est le branle-bas de combat, ça bip dans tous les sens, ils sont une dizaine autour de la couveuse. Un des jumeaux a son pronostic vital engagé. » De mon côté, je me sentais perdue et une multitude de questions me trottaient dans la tête : « Que va-t-il se passer ? Est-ce que je vais perdre mes bébés ? ». Je pleurais sans cesse. Mon mari m’informait de tout ce qui se passait pour les petits. Le papa m’a raconté que les médecins avaient dû placer une voie centrale à un des deux jumeaux ; l’attente lors de cet acte médical a été très longue ; il a fallu le double de temps que prévu. Je sentais le médecin tendu, ce qui n’était pas rassurant. Voir mes enfants dans une couveuse avec un maximum de tuyaux, de fils, un masque, un bonnet était un vrai cauchemar. Ils pesaient 1 kilo chacun. Les infirmières étaient très gentilles, elles ont fait une photo des bébés pour que leur maman puisse les voir. Quand j’ai vu cette photo, j’ai dit : « ce ne sont pas mes bébés, pourquoi ont-ils tout cet appareillage ? ». Mon mari a essayé de me rassurer en me disant qu’ils étaient bien plus beaux que sur la photo.

Au quatrième jour après la naissance, j’ai pu enfin les voir dans leur couveuse. Nous avions apporté des doudous ainsi que des dessins de leurs deux grands frères. Je suis restée, la plupart de mon temps, dans le service aux côtés de mes bébés.

Après avoir passé six, sept jours à l’hôpital, il était temps pour moi d’en sortir, et cela, sans mes bébés. Ce fut encore une épreuve très douloureuse. Rentrée à la maison, j’ai ressenti un énorme vide, nous avions néanmoins des choses à faire comme acheter des pyjamas adaptés, … A ce moment-là, nous ne savions toujours pas si un des jumeaux allait s’en sortir. Je suis allée à l’hôpital tous les jours, mon mari a adapté son horaire, il ne travaillait plus que la nuit pour pouvoir m’accompagner la journée. Nous pouvions rester à leur chevet le temps que nous voulions. Quand nous devions rentrer, nous sonnions à l’hôpital afin de prendre des nouvelles. Nous avons commencé à les prendre dans nos bras. Le papa disait qu’il les prenait un dans chaque main (ils étaient si petits). Pendant ces semaines, nous n’avons pu donner aucun soin. Nous avons eu droit au peau à peau qui est très inconfortable avec tous ces appareillages. Le biberon viendra très tard, trois semaines après leur naissance. Le personnel soignant est resté disponible, à l’écoute, ce qui a été très important pour nous dans cette épreuve. Nous faisons des photos pour les montrer à leurs frères. Nous avions l’impression que les jumeaux nous reconnaissaient. Un des deux jumeaux avait des réactions somatiques quand il était dans les bras de sa maman (hyperventilation, rythme cardiaque qui s’accélère). Je n’osais plus le prendre dans mes bras, c’est son papa qui le faisait alors. L’entourage est resté bien présent, nous a soutenu ce qui était primordial pour nous. Le stress était cependant toujours là, un des deux jumeaux ne sachant toujours pas se passer de la machine à oxygène pour respirer. Les médecins étaient inquiets par rapport à cela. « Cinq semaines se sont écoulées depuis leur naissance et la peur est toujours omniprésente ; un des deux bébés est toujours en danger. Des analyses, des examens se font chaque jour et nous sommes dans l’attente des résultats à chaque fois. » C’était horrible.

Je ressens un sentiment de culpabilité depuis leur naissance. « Ai-je fais quelque chose qu’il ne fallait pas ?, Pourquoi est-ce que ça m’arrive à moi ? ». Lors de mes grossesses, j’ai pris toutes les précautions nécessaires pour que tout se passe bien. La prématurité viendrait d’une infection que j’avais dans le sang, mais ils n’ont jamais trouvé la cause de cette dernière. La culpabilité est énorme. J’ai vu une psychologue. Cela ne m’a pas aidé ; je me disais : « tu peux me dire ce que tu veux, mes enfants sont entre la vie et la mort ». Je vivais la réalité du moment et son accompagnement ne m’apportait rien à ce moment-là.

Après cinq semaines en soins intensifs, les jumeaux ont changé de service et ont été dirigés vers le service des soins semi-intensifs. Nous avons alors été un peu rassurés. Nous pouvions commencer les soins : bain, biberon, change, … J’ai demandé l’aide d’une infirmière la première fois, j’avais peur de leur faire mal. Peu à peu, un sentiment de soulagement nous a envahis. Le jumeau pouvait respirer seul, de plus en plus de machines disparaissaient. C’était la première fois où nous nous sentions apaisés depuis des semaines. Le corps médical nous a dit qu’ils pourraient bientôt sortir si tout continuait à bien se passer et qu’ils atteignaient les deux kilos. Nous avions hâte de rentrer chez nous avec eux.

A notre retour, nous étions heureux de les avoir avec nous. Ils avaient un monitoring cardiaque pour la nuit. Nous n’avons pas dormi pendant dix jours à cause de cette machine, elle sonnait tout le temps. Nous avions, à chaque fois, peur de l’arrêt cardiaque. Quand elle sonnait et que nous regardions nos bébés, nous voyions que tout allait bien pour eux. La machine nous faisait paniquer alors que tout allait bien. Cette période a été un gros stress et a induit beaucoup de fatigue. Après des semaines, nous avons pu rendre la machine. Cet épisode a eu comme effet une certaine méfiance par rapport au corps médical. Nous avons préféré nous faire confiance et nous fier à nous-mêmes et à nos bébés.

Nous sommes allés à deux, trois rendez-vous à l’hôpital, mais ils sont similaires à ceux de l’ONE. Nous avons décidé de les arrêter et de continuer avec la consultation des nourrissons. Ce furent des bébés faciles, mais nous sommes restés longtemps inquiets par rapport à ce qu’il pourrait arriver (mort subite, …).

Des préoccupations réapparaissent vers l’âge de deux ans. Les jumeaux ne parlent pas. Beaucoup de questions se posaient : « Est-ce normal ? Est-ce dû à la prématurité ? ». L’entourage essayait bien de me rassurer en me disant que ça allait venir. Le développement moteur s’était fait sans souci, ils ont marché vers 13 mois. Nous remarquons cependant un retard par rapport à nos deux autres enfants. Jusque-là, nous étions centrés sur le médical. Maintenant que tout allait bien de ce côté-là, nous remarquons d’autres types de difficultés. A l’hôpital, on nous avait parlé des difficultés qu’ils pourraient rencontrer plus tard comme celles d’apprentissage, dans certains domaines, logico-mathématique ou autres. L’entrée à l’école s’est révélée catastrophique. Rien n’allait. Ils ne parlaient toujours pas. Nous avons été interpellés par le centre PMS qui nous a orientés vers un service d’aide et d’interventions précoces. J’étais réticente par rapport à ce service ; je ne connaissais pas du tout ce type de service. J’avais peur que l’on me prenne mes enfants pour les mettre dans un centre fermé.

La première fois que j’ai rencontré le service, j’avais peur, me demandant s’ils allaient me juger. La rencontre s’est bien déroulée. Ils ont pu nous orienter vers les prises en charge adéquates. En constatant l’efficacité de ces rencontres, j’ai pris confiance dans les professionnels. J’ai changé également les enfants d’école et nous avons mis en place toute une série de choses favorisant leur évolution. Nous pouvons dire que nous avons manqué d’informations pour la période des deux-trois premières années, notamment par rapport aux difficultés développementales qu’ils pourraient rencontrer, mais aussi au niveau des services existants pour nous aider à faire face ces difficultés. Si nous avions eu quelqu’un pour nous diriger vers un tel service ou nous donner des adresses utiles cela aurait été vraiment bénéfique pour nous. Quand on est parents et que l’enfant ne rencontre pas de problème, on ne sait pas, par exemple, ce que veut dire psychomotricité relationnelle. Souvent, nous avions déjà entendu parler de services comme SAJ, IPPJ mais beaucoup moins des services qui sont là pour accompagner les familles dans le développement de leurs enfants.

Aujourd’hui, les jumeaux sont en bonne santé et ils ont terminé leur première année primaire avec plus de 80%. Nous n’aurions pas imaginé cela et nous sommes heureux de leur évolution.

Si nous pouvons donner un conseil aux parents d’enfants prématurés, ce serait celui d’écouter les conseils des professionnels et surtout de s’écouter en tant que parents. Il est important d’aller aux rendez-vous médicaux proposés afin de pouvoir mettre ce qui est nécessaire en place et/ou de se rassurer. Ce qui est primordial est de se sentir bien avec les professionnels et notamment avoir confiance en eux. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux alors demander un deuxième avis.

J’espère que notre expérience pourra éclairer, aider de futurs parents.

De Caroline

Je suis institutrice et j’ai 3 enfants. Esteban a 16 ans. Il est né à terme et n’a connu aucune difficulté de développement. Au détour de l’accouchement, on a oublié un morceau de placenta. Suite à cela, j’ai eu un « parcours bébé » semé d’embûches. Après avoir attrapé une bactérie courante, finalement, Inès est née, mais à 25 semaines de grossesse et avec seulement 760 grammes. Un risque pour sa vie a tout de suite été annoncé. Les médecins ont dû réaliser une gastrostomie à la suite d’une perforation intestinale et le canal artériel a dû être refermé lors de la même opération. Elle a 10 ans et a terminé une 4e année primaire avec brio. Pablo est né à 27 semaines et pesait 1280 grammes. J’ai été hospitalisée à 26 semaines de grossesse pour un suivi et j’ai attrapé une maladie nosocomiale, qui a provoqué cet accouchement très prématuré et une hémorragie intraventriculaire avec leucomalacie qui a laissé comme séquelle une infirmité motrice cérébrale.

Inès est restée 4 mois en néonatologie et Pablo 2 mois. J’ai toujours eu la volonté de m’occuper de mes enfants moi-même et je les ai allaités tous les deux durant 2 ans. A l’hôpital, on m’a proposé le portage peau à peau, le portage avec écharpe et le massage pour bébés. Les infirmières m’ont beaucoup aidée. Au début, ils étaient bardés de tuyaux et ce n’était pas facile ; Il fallait deux infirmières pour placer mon enfant. Je restais immobile, assise avec lui. Pour l’écharpe de portage, c’était un peu plus facile, car ils n’étaient plus reliés aux machines et je pouvais me déplacer un peu. Les avantages du portage est de pouvoir se déplacer plus aisément, de garder un contact rassurant avec le bébé et de le protéger un peu des risques d’infection. Les massages m’ont beaucoup aidée pour garder un contact intime. C’est même moi qui faisait les pansements de la stomie. Tous les deux ont pris le sein rapidement, 32 semaines pour Inès et 31 semaines pour Pablo, ce qui est tôt. J’avais peu de lait en le tirant et bien plus en allaitant. La quantité de lait tiré ne présage pas de la « réussite ou non » de l’allaitement . Nous sommes sortis de l’hôpital en temps voulu, après qu’ils aient bien récupérés un poids suffisant et qu’ils soient suffisamment autonomes. Inès avait 2300 grammes. J’ai vécu avec un monitoring durant de nombreux mois, dormant assise avec mon enfant, qui ne voulait pas me quitter suite à sa 2ème opération. Le sommeil a d’abord était perturbé par les nombreux rendez-vous médicaux de suivi et le changement d’environnement. Il faut dire que le calme d’une chambre les changeait des bruits permanents d’une salle de néonatologie.

J’ai toujours été soutenue par mon entourage, mais aussi par les médecins et les infirmières de l’hôpital, tous remplis d’humanité à l’égard de ces petits et de leur maman. On m’a souvent dit que l’évolution d’un enfant prématuré dépendait pour 1/3 de bébé lui-même, pour 1/3 de sa famille et pour 1/3 seulement des soins prodigués. J’ai gardé le contact à travers un follow up durant les 6 premières années pour Inès et moins pour Pablo, vu sa situation particulière.

L’infirmité motrice cérébrale de Pablo est d’origine peu claire : hémorragie, virus ou autre. Quoi qu’il en soit, son développement est lent et particulier et je dois sans cesse trouver des adaptations pour faciliter les apprentissages. Les professionnels ne se rendent pas toujours compte des difficultés de l’enfant et surtout de leur nature. Ils passent dès lors à côté de nombreuses possibilités. Je sais que mon fils est intelligent, mais il faut trouver des systèmes, des moyens pour contourner ses difficultés motrices et de langage.

Inès ne garde aucune séquelle malgré qu’elle a été intubée, qu’elle a aussi eu une hémorragie cérébrale, qu’on lui a fermé le canal artériel, qu’on lui a placé une stomie. Elle n’a jamais été malade et il faudra juste penser un jour à faire effacer les cicatrices des opérations sur son ventre. Elle était au percentile 3 jusqu’à l’âge de 2 ans et elle est maintenant au 97 !

Il faut se méfier des statistiques et des pronostics. On est en partie d’un côté ou de l’autre selon ce qu’on fait, avec l’aide de l’entourage et des professionnels compétents. En effet, les pronostics catastrophiques sont parfois ou souvent faux car les enfants ont des ressources insoupçonnées. On fait toujours dire ce qu’on veut aux statistiques car le classement des enfants, des risques ou des problèmes dépendent aussi des procédures d’évaluation. Plus c’est fin, plus on va trouver, mais il faut bien distinguer problème et conséquences d’un problème. Par exemple, un trouble de la lecture n’empêche pas nécessairement un enfant de faire des études.

D’ailleurs, l’âge réel et l’âge corrigé ne doivent jamais être obligés. Quand un parent ou un ami vous demandent quand ton fils ou ta fille a-t-il marché, on peut sans crainte avancer l’âge corrigé. Par exemple, Inès a marché à 17 mois de vie aérienne, mais, en réalité, c’est 13 mois de développement. Les professionnels ou d’autres personnes bien intentionnées évoquent parfois l’idée d’un rattrapage. L’enfant, qu’il soit dans le ventre de sa maman ou dehors, continue à évoluer tout simplement. Qu’a-t-il donc à rattraper ? Parfois cependant, il y a une répercussion sur l’âge scolaire, car selon qu’un enfant soit né en décembre ou en janvier, sa classe sera différente.

Quand un enfant naît prématurément, la quantité de stress ne ralentit pas. On a peur pour sa survie, puis pour ses soins, puis pour son développement, puis pour son arrivée à la maison. Et après tout cela, il faut encore s’arranger pour répondre aux besoins de surveillance médicale et donc aux rendez-vous. Il faut réveiller l’enfant, prévoir un repas alors qu’il n’a pas faim, le mettre dans l’auto, affronter les embouteillages, attendre et puis attendre, calmer ses pleurs et puis repartir en sens inverse. Heureusement, des infirmières spécialisées passent parfois à la maison.

Il faut affronter le quotidien, qui prend un relief particulier, répondre aux besoins et aux inquiétudes du papa, de la fratrie, sans oublier les grands-parents. La maman doit être forte, rassurer tout le monde et les autres ont l’impression qu’on a une énergie inépuisable, ce qui est loin d’être le cas. Dans tout cela, les réseaux sociaux électroniques ont apporté une aide précieuse. On peut s’informer sur le net, passer des sms quand cela arrange, communiquer par facebook, échanger dans des forums. Cela permet surtout de gérer et de contrôler son temps. C’est bien les visites à l’hôpital ou à la maison, mais cela perturbe les prévisions, les rythmes, les besoins de la maman et des bébés. Il faut trouver un compromis et il est parfois préférable d’aller faire une course ou de garder les autres enfants que de rendre visite.

Une ligne téléphonique d’entraide serait bien utile dans certains cas. Il y a tellement de choses à dire et des choses à ne pas dire (voir liste).

Quoi qu’il en soit, chaque jour est une victoire et il faut la savourer : le premier kilo atteint, le deuxième, la sortie, une guérison, un sourire… Ce sont là des petits objectifs, mais qui préparent à la grande aventure de la vie familiale.